mardi 23 décembre 2014

Les lieux de rencontre d'Alpha Condé avec Cellou Dalein Diallo: de l'unité nationale à l'instrumentalisation politique



Les deux derniers rencontres inattendues  du président guinéen et le leader de L’UFGDG de l’opposition, en cette fin d’année 2015, montrent que dans la vie seules les montagnes ou d’autres objets figés ne se rencontrent jamais, mais les hommes peuvent toujours se retrouver,  quels que soient leurs points de divergence et les conflits qui les opposent.
Dans un contexte d’une forte bipolarisation de la vie politique, de manque de confiance et de dialogue dont souffre énormément la Guinée, l’opposition guinéenne et le parti au pouvoir s’affrontent et se critiquent violemment   par médias interposés, mais ils ne se  rencontrent que rarement pour s’affronter, discuter de leurs idées et aplanir leurs points de vue afin de retrouver le consensus sans lequel il n’ y a ni de démocratie ni de paix sociale.  D’où la dimension historique de ces deux dernières rencontres, notamment à l’occasion de la visite du président français François Hollande en Guinée et autour du symposium des six années de la mort de l’ancien Président, le général Lansana Conté.
La visite du président Hollande, qui était venu manifester sa solidarité avec le peuple de Guinée, dans un contexte de marginalisation et d’isolement de la Guinée en raison de l’épidémie d’Ebola a été un grand moment de solidarité, de dignité et de patriotisme de la classe politique guinéenne. A cette occasion, le président Alpha Condé avait eu l’intelligence et  le sens de la responsabilité d’un homme d’Etat en tendant la main, pour une fois, à l’opposition guinéenne invitée aux cérémonies officielles d’accueil du président français.  Les membres de l’opposition aussi ont eu la courtoisie et le sens de l’intérêt national en acceptant volontiers cette invitation du Président. Les principaux acteurs politiques guinéens ont pu dépasser ainsi leurs intérêts partisans au dessus desquels ils ont placé l’intérêt du peuple guinéen. Il s’agit là de l’une des principales clés de blocage politique en Guinée, source de paix sociale et de développement dans notre pays.
Apres cette visite du président français, chacune des deux parties qui se disputent le pouvoir a  regagné  son  propre  camp à base principalement ethnique pour camper sur ses positions habituelles relatives au principal, pour ne pas dire unique, sujet du débat politique en Guinée : l’organisation des élections. Election à tout prix ! C’est comme si nos principaux acteurs politiques avaient  encore oublié l’intérêt supérieur de la nation guinéenne, dans un contexte où notre pays est confronté et fragilisé  par l’épidémie d’Ebola, en ne cherchant qu’à garder le pouvoir ou à y accéder. Ils renouent ainsi avec les mêmes habitudes de dialogues de sourds qui se nourrissent du manque de confiance entre les acteurs politiques et de volonté politique. 
Finalement il a fallu attendre le symposium des six ans de la mort du président Conté pour revoir une autre rencontre du président de la république avec le leader de l’UFDG Celloun Dalein Diallo autour de la mémoire du défunt président. Les  deux camps politiques se disputent désormais cette mémoire pour  en faire une ressource politique afin de séduire l’électorat de la basse Guinée, région d’origine du président défunt où il demeure toujours populaire. Nous assistons donc actuellement en Guinée à une instrumentalisation et à des récupérations politiques des mémoires de nos anciens présidents à des fins purement électoralistes à court terme, dans un contexte d’ethnicisation et de surcommunautarisation de la vie politique.    Donc si la première rencontre à l’occasion de la visite du Président Hollande a été une grande occasion  d’unité  dans l’intérêt national, la récente rencontre de cette semaine était plus dictée par les intérêts partisans. Ainsi,  elle apparaît comme le premier acte de la prochaine campagne électorale où, apparemment, la manipulation de l’histoire récente de la Guinée et l’instrumentalisation de l’ethnicité  continueront de planer sur la quiétude sociale.

dimanche 21 décembre 2014

L'énigme du racisme contre les Noirs dans le Football

Le football est la discipline sportive, qui rassemble davantage les peuples du monde entier et les différentes couches sociales, qu’elles soient riches ou pauvres, mais en même temps il est paradoxalement devenu l’un des moyens les plus importants de la manifestation et l’expression du racisme.
Si l’on peut tenter de comprendre la persistance du racisme dont sont victimes les noirs par des facteurs historiques notamment l’esclavage, la colonisation, le retard de l’Afrique sur le plan technologique et économique, nous pouvons cependant être surpris désagréablement du racisme dont sont victimes les footballeurs noirs.  Dans cette discipline sportive  on peut compter, parmi les meilleurs sportifs  qui ont régalé la planète entière par leur génie et technique, beaucoup de joueurs noirs  notamment le roi Pele, le meilleur jouer de tout temps, Eusobio, Abedi Pele, Georges Weah, Ronaldo, Ronaldinho, Samuel Eto, Lilian Thuram,  Didier Drogba, Yaya Toure etc.. Les exploits techniques et les brillants parcours réalisés par  tous ces grands joueurs noirs, parmi tant d’autres, tellement nombreux qu'on ne peut pas les citer ici,    devraient, normalement, contribuer à lutter contre les préjugés, les clichés et le racisme dont sont victimes les Africains.  Au-delà  de la couleur de la peau, leurs exploits sportifs montrent que les qualités humaines notamment le don, le génie, l’intelligence technique ou tactique ne sont l’apanage d’aucun peuple, mais ils appartiennent à tous les groupes ethniques ou à toutes les  races,  pour ceux qui ne croient pas encore à l’existence d’une seule espèce humaine. D’où l’énigme du racisme dans le football. Comment peut-on aimer le football et crier son  sur un footballeur parce qu’il a simplement la même couleur de  peau que  Pele  ou d’autres « génies noirs » du football ?
De plus ce qui est encore étonnant, injuste et révoltant, ce sont les fils du continent du football, l’Afrique, qui sont les victimes de  ce type de racisme qui ne vise que les footballeurs. Eh oui, l’Afrique est un continent de football où le ballon rond rend heureux  des millions d’enfants et de jeunes qui n’ont pas autant de jouets et d’infrastructures sportives et de loisirs que leurs homologues des pays riches ou moins pauvres. Comme la pratique de football n’exige qu’une petite boule ronde que les enfants fabriquent ou inventent parfois avec des moyens du bord, ou achètent à des prix très abordables, il est devenu ainsi le sport roi, c'est-à-dire le plus pratiqué et regardé dans le monde, même dans les contrées villageoises les plus lointaines d’Afrique. Dans les villes en Afrique, beaucoup plus peuplés que les villages, les jeunes désœuvrés, victimes de la déscolarisation et du chômage, s’adonnent, avec passion, au football en jouant et en regardant surtout, les clubs et les équipes nationales européennes. Quand ces jeunes africains supportent les clubs tels que Real Madrid, FC Barcelone, l’inter de Milan , Milan AC, Liverpool, Bayern de Munich, ce ne sont pas les couleurs de la  peau des joueurs qui les intéressent et qu’ils regardent. Ce sont plutôt leur jeu, le génie, l’art  des joueurs, qu’ils admirent en  les supportant au point de s’identifier aux stars du ballon rond, jusqu’à porter leurs noms comme surnoms. C’est pourquoi en Afrique et surtout en Guinée il y a beaucoup de jeunes qui se font appeler Maradona, Platini, Zico, Socrates, Zidan, Messi, Christian Ronaldo, Baggio, Del Piero, Pirlo, Clinsman, Thomas hasler, Becken Bauer etc.  Cette passion du football des jeunes africains et leur adoration et adoption des idoles du ballon rond dans leurs cœurs indépendamment des appartenances raciales ou ethniques, religieuses, contrastent malheureusement avec le racisme dont sont victimes les footballeurs d’origine africaine. Dans ce cas, ceux qui agressent chaque weekend dans les stades européens, les footballeurs noirs en les insultant, en faisant des cris de singe ou en jetant des bananes, n’infligent pas seulement cette violence aux seuls footballeurs, mais ils insultent plutôt tout un continent africain, y compris les jeunes amoureux du football.
Cet état de fait regrettable doit nous amener à nous poser cette question:  si un noir ne peut pas se sentir à l’aise sur un terrain de football ou  dans un stade sans être victime de la haine raciste et de l’humiliation, bref de la violence physique et symbolique, où  peut-il être bien dans sa peau maintenant ? Quant à moi ma réponse est sans hésitation ni réserve négative. C’est pourquoi les milieux du football doivent être considérés aujourd’hui comme le premier lieu de combat et le principal front de lutte contre le racisme dont les noirs sont victimes.
Au lieu de combattre ce type de racisme primaire, qui n’honore aucun être humain, aucune société, nous assistons plutôt à sa banalisation et sa persistance sous l’œil complice des dirigeants du monde entier, surtout africains, la FiFa, et la CAF et la passivité, le manque de conscience de solidarité des footballeurs noirs à l’exception quelques rares joueurs tel que Lilian Thuram.
Par exemple Willy Sagnol, l’entraîneur de l’équipe de Bordeaux  où il y a plusieurs footballeurs africains, notamment le capitaine de l’équipe, a tenu des propos racistes, teintés de préjugés et de clichés, visant les footballeurs africains, mais il n’a été sanctionné ni par les dirigeants de son club ni par la fédération française de football, malgré la dénonciation de certaines personnalité du football d’origine africaines et européenne, notamment Pape Diouf et Claude Le Roi. Les journalistes de l’émission de RFI Mondial Foot l’ont aussi beaucoup critiqué. Du côté des footballeurs africains en activité dans le championnat, silence radio ! Personne n’a réagi, y compris les joueurs africains de Bordeaux.  Or, une simple grève des footballeurs africains paralyserait complètement le championnat français tout en contribuant à mettre les joueurs à l’abri du racisme.  Paul Pogba, footballeur français d’origine guinéenne, élu meilleur footballeur junior du monde, a été aussi victime du discours raciste du président de la Fédération italienne du football, mais la victime, plus préoccupée de sa carrière, n’a réagi d’aucune manière. D’où le silence coupable des footballeurs noirs qui contribuent beaucoup à la persistance du racisme, car ils ont la notoriété et le pouvoir économique pour s’ériger en défenseurs de l’ensemble des Noirs, notamment des immigrés ouvriers souvent  victimes du racisme.
D’ailleurs dans un prochain article nous tenterons de démontrer comment le sommet de la hiérarchie du football européen contribue à entretenir les préjugés et  les clichés sources du racisme visant les footballeurs noirs et africains. 

Dr Abdoulaye Wotem Somparé, sociologue et ancien footballeur amateur