lundi 4 mai 2015

Les manifestations de l'opposition, ou l'irresponsabilité de la classe politique guinéenne



La classe politique est composée du gouvernement ou de la mouvance présidentielle et des partis de l’opposition. Les premiers cherchent toujours  à garder le pouvoir et les derniers cherchent à y accéder. C’est de bonne guerre, mais tous les coups ne sont pas cependant permis. C’est pourquoi  la compétition politique est régie par des règles, que tous les partis politiques sont tenus de respecter afin de mettre la cité à l’abri des troubles sociaux et de l’anarchie, sources de violence et d’insécurité. Or, dans le cas guinéen, les manifestations politiques sont synonymes d’actes  de violence et de vandalisme, qui se traduisent par des agressions physiques des citoyens et des forces de l’ordre et par la destruction des édifices publics, des biens  et des personnes. Ces manifestations, auxquelles s'ajoute la grèved'aujourd'hui,  privent également les citoyens de certains services fondamentaux,  notamment l’hôpital, les moyens de transport et les magasins des commerçants au marché, qui sont  souvent fermés en raison de la manifestation. S’ils sont ouverts, toutes les populations ne peuvent pas s’y rendre parce que les routes sont barricadées et  bloquées par des scènes de guérilla urbaine, opposant les jeunes des quartiers déshérités  et enclavés   situés tout au long de la route de prince et les forces de l’ordre.  On oublie aussi que les élèves et les étudiants, qui ont commencé les cours tardivement, souffrent également de cette situation : à l’Université, par exemple, tous les cours du lundi sont en retard.
Dans un contexte d’absence  de dialogue, les partis politiques de l’opposition n’ont trouvé comme unique moyen de pression ou d’accès  au pouvoir que  l’émeute et  la guérilla urbaine. C’est ainsi que les acteurs politiques guinéens ont contribué à l’instauration en Guinée d’une culture  politique de violence, qui a coûté la vie à des centaines de leurs compatriotes, en majorité des jeunes issus de l’opposition.  Ce sont toujours les mêmes débats stériles et formels concernant l’organisation des élections qui sont à l’origine des manifestations violentes et de la répression sanglante des forces de l’ordre. Cette fois-ci,  c’est autour du reversement des calendriers des élections communales et présidentielles que les deux camps s’opposent conformément à leurs  intérêts partisans respectifs. C’est la CENI qui a changé de manière unilatérale le calendrier en programmant les présidentielles avant les communales. Une telle décision est plus favorable à la mouvance présidentielle, dans la mesure où la majeure partie des maires  sont plus proches du gouvernement que de l’opposition. Le président compte certainement s’appuyer sur ces élus locaux à la base pour briguer un deuxième mandat. Quant aux leaders de l’opposition, ils n’ont pas le droit de manipuler et dresser les jeunes issus des quartiers  de leurs fiefs de Kosa , Bambeto, Bailo baya.   
De plus,  dans une situation de crise sanitaire, nous pouvons nous interroger sur la pertinence et l’opportunité des manifestations de l’opposition depuis deux semaines en Guinée.   En ce  moment, la Guinée est confrontée à la plus  grave épidémie  d’Ebola que l’Afrique  n’ait jamais connu.  Ebola, qui  menace notre survie tout en contribuant à notre isolement et stigmatisation, devrait être le principal thème de débat du champ  politique si nos leaders politiques étaient responsables  et patriotes. Ils auraient dû en faire leur première préoccupation du moment, en le mettant au-dessus des intérêts partisans et des clivages habituels. D’autant plus que les stratégies de riposte contre Ebola en Guinée souffrent également de ce clivage et bipolarisation politique à caractère ethnique et régionaliste. Sans attribuer les réticences et les résistances à la stratégie de riposte seulement à des facteurs politiques, nous pensons qu’il est parfois difficile d’adhérer aux campagnes de sensibilisation pour des populations très méfiantes envers le gouvernement. Par contre, en ce moment, l’unité nationale devrait être mise en avant au-delà de tout clivage, et nos leaders, par leurs actions et leurs discours, devraient donner un exemple de responsabilité et solidarité.
Dr A Wotem Sompare.