Depuis les dernières grèves
de revendication des enseignants, nous assistons à une division au sein
d’une même catégorie socioprofessionnelle défavorisée et dévalorisée en Guinée,
liée au manque de solidarité. C’est pourquoi dès l’acceptation des
revendications catégorielles des enseignants contractuels du secondaire, ces
derniers se sont désolidarisés de leurs
ainés, en refusant de poursuivre la grève. Pour une fois, le syndicat des
enseignants a fait en Guinée une revendication qui est plus professionnelle que
politique, en cherchant à comparer les salaires des enseignants de l’enseignement
supérieur des Pays voisins, notamment le Sénégal, la Cote d’Ivoire, le Bénin et
la Guinée. Les jeunes enseignants qui cherchaient à être recrutés et les vieux
enseignants proches de la retraite sont sortis gagnants, car les mesures
acceptées par le Ministère étaient plus favorables à leurs intérêts
catégoriels. Je pense par exemple aux primes d’ancienneté et au recrutement des
jeunes contractuels, même si, à cause de la corruption et des processus d’embauche
peu transparents, ce ne sont pas forcément les plus méritant qui ont intégré la fonction publique. Cela dit,
le fait de régulariser les enseignants contractuels constitue un grand pas de
notre système éducatif, qu’il faut préserver, si nous raisonnons en termes d’acquis
sociaux en Guinée.
Depuis un mois, il a été annoncé aussi l’augmentation des
salaires des enseignants du supérieur, en fonction des diplômes et des grades
académiques. Du coup, des salaires qui n’atteignent pas 3 millions vont passer
de 6 à 8, voire 10 millions, selon que les enseignants concernés soient des
maitres assistants, des maitres de conférences ou des professeurs. Or, pour être
maitre-assistant il faut être titulaire d’une thèse de doctorat, dont les
détenteurs ne sont pas nombreux en Guinée. Certes il y a , dans l’enseignement
supérieur, des maitrisards d’un très bon niveau ; dans mon domaine, la
sociologie, je rencontre des collègues qui ont une expérience importante dans
les enquêtes de terrain. Or, ils n’ont pas eu la possibilité, le temps, l’opportunité
ou le courage de faire des études de troisième cycle aboutissant à l’obtention
d’une thèse de doctorat. Du coup, ce sont ces derniers qui se sentent lésés,
voire marginalisés par les récentes décisions, d’autant plus qu’ils donnent
beaucoup de cours. Il y a lieu de reconnaitre aussi que beaucoup d’enseignants
chercheurs guinéens sont utilisées par les Institutions Internationales et les
ONG, pour lesquels ils travaillent au détriment de leur progression académique,
dans le cadre de la recherche appliquée.
Demandons-nous si ces enseignants, appelés assistants, le
sont vraiment au sens académique du terme : partout, un assistant à l’Université est un doctorant ou un docteur. A notre
humble avis, ils doivent se montrer plus solidaires et prendre le train en
marche, en revendiquant plutôt l’obtention de bourses pour pouvoir préparer
leurs Masters et leurs thèses. Ces assistants
doivent considérer que ces mesures valorisent le métier d’enseignant
à l’Université, tout en incitant à la recherche scientifique à travers des
primes de publication dans les revues scientifiques. C’est là le mérite du
jeune ministre Yero Baldé et de son équipe. La catégorie socio-professionnelle des enseignants
du supérieur n’a aucun intérêt à se diviser : il faut plutôt considérer
ces mesures comme des acquis à préserver, car elles amènent à rehausser le niveau
de l’enseignement supérieur guinéen, en attirant les personnes les plus qualifiées
dans les salles de classe. Il faut aussi reconnaitre qu’il n’est pas normal d’enseigner
à l’Université sans être au moins doctorant : il s’agit là d’une anomalie.
C’est donc dans le sens de la qualification que les assistants doivent lutter, en
demandant à être soutenus par l’Etat dans leur formation ultérieure et aussi à
pouvoir mettre en avant, à travers des crédits et des équivalences, leur
expérience d’enseignement et de terrain. D’ailleurs, il y a beaucoup d’enseignants
qui sont titulaires d’une maitrise et d’un Master qui sont très pédagogues et
performants et qui ont un immense potentiel à développer à travers la
préparation d’une thèse de doctorat et de publications dans les revues
scientifiques.
Dr Abdoulaye Wotem Somparé
Enseignant-chercheur à l’Université Sonfonya et Kofi Annan de
Guinée