lundi 22 septembre 2014

La marginalisation et la responsabilité de la Guinée face l'épidémie d'Ebola



La marginalisation et la responsabilité de la Guinée face à l’épidémie d’Ebola

Dr Abdoulaye Wotem Somparé
Sociologue et anthropologue

Après un demi siècle de mal gouvernance et de violence politique, qui ont pour corollaire la misère dans laquelle vivent la majeure partie des populations, Ebola est la pire des choses qui pouvait arriver encore à la Guinée. A l’image des clichés habituels sur l’Afrique,  il y a encore des millions d’individus qui vont découvrir, pour la première fois, ce pays peu connu à l’étranger dans ses plus mauvais jours. Cela va renforcer la tendance à associer l’Afrique aux catastrophes humanitaires et sanitaires, tout en aggravant le racisme : les partis d’extrême droite en France et en Italie tentent déjà d’instrumentaliser cette situation pour en faire une ressource politique. Ils présentent ainsi les migrants en provenance de l’Afrique  comme des personnes susceptibles de contaminer les Européens.  Comment s’est-on retrouvés dans une telle situation menaçante pour notre survie et source de marginalisation de la Guinée à l’échelle internationale ? Le risque d’isolement de notre Pays  commence déjà à se traduire par la fermeture des frontières avec les Pays voisins, sans parler de l’impossibilité d’effectuer le pèlerinage car la  Mecque  a fermé sans hésitations ses portes  aux pèlerins guinéens.  De nos jours, les sportifs issus des Pays touchés ne peuvent plus participer à des compétitions internationales dans certaines disciplines. Cette marginalisation frôle de plus en plus l’humiliation, dont les dirigeants africains même ne sont plus à l’abri, puisque lors du dernier sommet Etats – Unis –Afrique, ils ont été contraints de se soumettre à des examens médicaux. A présent, les grandes compagnies  aériennes telles que Air France, Bruxelles Airlines etc. risquent de supprimer les vols pour la Guinée et les autres pays concernés. 
Les media occidentaux ont privilégié, comme d’habitude, un schéma d’interprétation culturaliste, en expliquant la difficulté à éradiquer l’épidémie d’Ebola par la réticence des Africains à renoncer à leurs traditions, comme par exemple les rites funéraires. Sans nier ces facteurs culturels, nous souhaitons souligner dans cet article qu’il y a d’autres réalités économiques, sociales et politiques qui ont favorisé la propagation de cette maladie et qui constituent un obstacle à  son éradication rapide.

Impunité et ethnocentrisme : quand les responsabilité des individus sont imputées à toute une communauté

Même si l’apparition de la fièvre d’Ebola en Guinée, à plus de 2000 km de la zone endémique habituelle,  est un évènement catastrophique indépendant de la volonté de l’homme, on peut néanmoins identifier certains niveaux de responsabilité dans son apparition et sa propagation. Comme l’a souligné le prix Nobel de l’économie Amartya Sen, face à un évènement   comme une épidémie ou une famine, ce qui permet une résolution rapide du problème est la gestion de la situation d’urgence, donc la réaction rapide et efficace des autorités locales et de l’Etat.
C’est pourquoi il y a lieu de souligner  que les autorités guinéennes   ne sont pas exemptes de tout reproche concernant la propagation d’Ebola et la multiplication des foyers de contagion en Afrique de l’Ouest.  L’apparition d’une telle maladie est toujours liée à l’erreur d’un individu ou d’un petit groupe d’individus, par exemple un chasseur qui tue ou ramasse un animal déjà contaminé, pour le consommer ou le vendre. Ceux qui tombent malade en consommant de la viande peuvent ensuite contaminer leurs proches et les personnes avec lesquelles ils entrent en contact, avant tout le personnel médical qui essaie de les soigner. Les autorités sanitaires et administratives des préfectures de Guéckédou et Macenta auraient dû s’activer pour détecter cette première chaîne de transmission et remonter rapidement l’information relative à l’épidémie au niveau du gouvernement. A son tour, les autorités centrales auraient dû mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour endiguer la progression de la maladie, en élaborant, entre autre, une stratégie de communication et de sensibilisation cohérente.   Si le système de santé  publique guinéen fonctionnait normalement la maladie, qui existe en Guinée depuis le mois de janvier, aurait pu être détectée avant le mois de mars, dès les premières semaines de son apparition. Il y a donc lieu de s’interroger sur les raisons multiples de ce retard dans le diagnostic de la maladie et des défaillances et réticences des autorités locales et étatiques à prendre les mesures nécessaires pour contrôler l’épidémie.
En Guinée, il y a  une culture de l’impunité qui empêche de situer les  responsabilités individuelles. Même au sein de l’administration guinéenne ou dans les entreprises privées, il y a des disfonctionnements, comme des détournements de deniers publics,  sans que les responsabilités individuelles ne soient situées. L’effet pervers d’une telle attitude est l’attribution des responsabilités individuelles à l’ensemble d’une communauté, dans un contexte d’ethnocentrisme et de surcommunautarisation de la vie politique. Ainsi, dans le cas de l’épidémie d’Ebola, c’est toute la communauté forestière, déjà victime de beaucoup de préjugés,  qui a été stigmatisée et considérée responsable de la propagation de ce fléau, notamment en raison de ses habitudes alimentaires consistant à consommer de la viande de brousse.  L’ethnocentrisme étant humain, en Guinée chaque groupe ethnique a développé des préjugés sur les autres, tout en valorisant sa propre culture, sa langue et ses pratiques. Cela dit, il y a lieu de reconnaître que ce sont les habitants de cette région du Sud de la Guinée qui souffrent plus des préjugés de la part de leurs compatriotes guinéens. La Guinée forestière est une région très enclavée, caractérisée par une forêt très dense et des infrastructures et routes en mauvais état. En raison de son isolement géographique, elle a été moins touchée par la pénétration de l’Islam et du Christianisme, à l’image de la Casamance au Sénégal. Or, l’attachement de ces populations aux pratiques et valeurs traditionnelles,   est souvent interprété  par les autres guinéens comme un « manque de civilisation ». Les populations de la région forestière ont subi et intériorisé  ces stigmatisations et clichés, au point d’en faire un complexe d’infériorité. Leur particularité géographique, leurs spécificités culturelles  et la marginalisation dont elles sont victimes leur confèrent une forte identité ethnique.
Lors de l’apparition de la maladie, les originaires de cette région, au premier rang desquels se trouvent les cadres et les personnes les plus scolarisées,  ont réagi négativement aux critiques teintées d’ethnocentrisme, de préjugés et de soupçons de leurs compatriotes,    en questionnant, minimisant ou même   niant l’existence de la maladie ou en cherchant des boucs émissaires.

Les enjeux géopolitiques de la Guinée forestière

 Les hésitations de l’Etat à prendre des mesures efficaces pour éradiquer l’épidémie en Guinée forestière peuvent s’expliquer, à notre avis, par le fait que cette région entretient un rapport particulier avec l’Etat et les autorités centrales. La Guinée forestière se trouve dans une situation paradoxale, où des populations très pauvres, confrontées à des problèmes de subsistance alimentaire, vivent sur des terres très riches en ressources minières et convoitées par les entreprises minières les plus importantes du monde, entre lesquelles il y a une forte concurrence et des conflits ouverts. Les populations de cette zone ont développé une forte attente d’accéder à des emplois bien rémunérés au sein de ces entreprises, alors que celles-ci ne peuvent pas trouver sur place toutes les compétences dont elles ont besoin et sont parfois obligées de les rechercher ailleurs. Cela entraine des frustrations qui se traduisent par des revendications, des manifestation violentes voire des émeutes des communautés, qui réclament aux entreprises et à L’Etat  plus d’emplois et de développement de la région en échange de leurs ressources naturelles, comme il a été le cas à Zogota.  De plus, les habitants de cette région sont frustrés parce que l’un de leurs ressortissants les plus célèbres et objet de fierté, Moussa Dadis Camara, n’a pas pu se maintenir longtemps au pouvoir. Puisque les Pays Occidentaux sont considérés responsables de l’éviction de Dadis au pouvoir, cela a réveillé un vieux reflexe antioccidental et nationaliste qui s’enracine dans l’histoire politique de la Guinée, dans les contextes d’accession à  l’indépendance  et  dans les tentatives de la France de saboter le régime de Sékou Touré.  Le manque de coopération des populations de la Guinée forestière envers des ONG tels que Médecins sans frontières peut en partie s’expliquer par ce reflexe.  Malgré toutes ces tensions,  , le gouvernement d’Alpha Condé compte énormément  sur les investissements privés et étrangers de cette région pour obtenir de très bon résultats économiques nécessaires pour sa réélection. Par exemple les études économiques montrent que la mise en place du projet Rio-Tinto contribuera à doubler le PIB de la Guinée.         
Sur le plan politique la région de la Guinée forestière représente un important électorat sans lequel le Président risque de ne pas être réélu en 2015. Il fallait donc chercher à ménager la susceptibilité des populations de la Guinée Forestière, tout en rassurant les investisseurs étrangers. C’est ainsi que le gouvernement a opté pour une stratégie de gestion d’Ebola et  de communication  visant à dédramatiser l’épidémie, en évitant des mesures plus énergiques et contraignantes. Or à notre avis l’actuel ministre de la santé, qui est médecin militaire colonel,  a le bon profil et il est bien placé, en tant qu’originaire de la région, pour mener une politique de rigueur,  de fermeté, de bâtons et de carottes   afin d’éradiquer rapidement l’épidémie.  

Une stratégie de communication à améliorer

L’une des mesures les plus importantes pour la lutte contre Ebola a été la sensibilisation de la population et la campagne de communication menée par le gouvernement, notamment à travers les messages texto envoyés à tous les citoyens. Or, deux lacunes principales peuvent être détectées dans cette stratégie :
-Certaines réalités socioéconomiques n’ont pas été prise en compte. L’un des points les plus importants de la sensibilisation vise à éviter que les populations consomment  de la viande de brousse, notamment en Guinée forestière, où cet aliment est consommé plus abondamment. Les habitants de la forêt ont été stigmatisés comme des gens « qui mangent tout » et qui ont des habitudes alimentaires dangereuses. Or, ces préjugés ne sont pas fondés, dans la mesure où le système du totémisme, qui interdit à chaque famille ou lignage de manger un animal particulier, a favorisé la survie de plusieurs espèces dans cette region. Ainsi, il faut plutôt rendre hommage à ces populations qui ont été en avance dans la lutte contre la dégradation de l’environnement. Il y a lieu de souligner aussi que la viande de brousse est très appréciée aussi par les citadins des villes de Guinée, notamment les clients des bars  maquis et de certains restaurants de Conakry.
    En fait, la Guinée forestière fait partie des zones où il y a un déséquilibre entre la nature et la population, source de conflits interethniques et communautaires  qui s’enracinent dans des problèmes concrets d’accès à la terre et de survie. La pression démographique croissante va de pair avec une diminution des terres cultivables, aussi bien à cause de l’exploitation minière que des programmes de préservation de l’environnement. Le poisson est très rare et l’élevage presqu’inexistant, ce qui rend la viande de brousse un complément incontournable de l’alimentation de beaucoup de famille et surtout une source fondamentale de protéines. Le métier du chasseur est d’ailleurs très valorisé culturellement, tout comme la viande de brousse,   à laquelle on attribue des vertus thérapeutique et un goût exotique et délicieux. Toutes ces réalités doivent nous amener à comprendre qu’une simple recommandation de ne pas consommer la viande de brousse ,sans une bonne communication qui intègre toutes ces réalités et tient compte des représentations des populations concernées est irréaliste, voire illusoire. C’est pourquoi les populations ont continué d’ailleurs à consommer, ce qui est interprété par les Occidentaux comme une incapacité des Africains à renoncer à leurs traditions, en ignorant du même coup les enjeux économiques liés à la filière de la viande de brousse. Il aurait donc fallu remplacer les stock de viande de brousse dans les familles et dans les commerces avec d’autres aliments.
- La communication de lutte contre Ebola n’a pas bien fonctionné parce qu’elle  est porteuse de deux logiques concurrentes. D’une part il y a la stratégie de communication  du Gouvernement, qui tente de sensibiliser les populations en les rassurant au point de minimiser la gravité de la situation épidémique. D’autre part, il y a la stratégie de communication des Médecins Sans Frontières et de l’OMS maintenant, qui a tendance à aggraver la situation épidémique afin de sensibiliser davantage et d’attirer l’attention de la communauté internationale et surtout des bailleurs de fonds sur la menace représentée par l’épidémie et l’importance de leur action. Comme la sociologie du développement nous montre d’ailleurs, dans les projets de développement , les interactions, les concurrences et les rivalités entre les institutions et les acteurs impliqués constituent aussi des obstacles à leurs réalisations. C’est pourquoi, dans le cadre de la lutte contre Ebola, il est indispensable et urgent de faire une analyse des parties prenantes afin de les amener à conjuguer les efforts de manière plus cohérente et efficace dans l’intérêt des populations victimes et de toute l’Afrique de l’Ouest. De plus plusieurs chefs religieux surtout musulmans ont instrumentalisé l’épidémie afin d’inciter les fideles, par la peur, à pratiquer correctement la religion. Selon ces derniers Ebola, comme d’autres épidémie dans le passé serait une malédiction, une punition divine  pour que les gens respectent davantage les principes religieux. De tels messages ont amenés une population peu scolarisée, fataliste et très croyante à considérer cette épidémie comme une fatalité, au lieu de situer les responsabilités individuelles en parvenant, du même coup, à trouver des moyens plus efficace pour arrêter la propagation de la maladie.

Il vaut mieux tard que jamais : agir vite pour arrêter l’épidémie d’Ebola.
Il est  impératif d’avoir un seul plan de communication, qui intègre les croyances et les pratiques des populations par rapport aux maladies en impliquant les guérisseurs traditionnels comme il a été suggéré par le medecin-anthropologue de MSF .
Les autorités de l’Etat et  les institutions internationales impliquées dans la lutte contre l’épidémie doivent élaborer ensemble ce plan . Ensuite il faut    sanctionner tous ceux qui s’en écarteraient en lançant de fausses accusations, en semant la panique ou en minimisant l’épidémie. De plus, tous ceux qui ne vont pas respecter les mesures de recommandation pour endiguer l’épidémie doivent  être sanctionnés par la loi.  Ceux qui ont été à l’origine des émeutes et révoltes qui se sont soldées par le sabotage et le saccage des installation des médecins sans frontières doivent être identifiés et punis, pour mettre fin à la culture de l’impunité et éviter, du même coup, que les accusations rejaillissent sur toute la communauté forestière.  
Après la découverte tardive de l’épidémie, la première stratégie de communication consistait à marquer les esprits et attirer l’attention de tout le monde  sur la maladie par une déclaration solennelle d’une journée de deuil national proclamé par le Président de la République. A l’occasion de cette journée, il fallait rendre hommage aux vingt-six médecins et membre du personnel de santé décédés dans l’exercice de leur métier, en tentant de sauver la vie à leurs compatriotes. Ils devraient être élevés au rang de l’ordre national du mérite et leurs familles ( épouses et enfants) doivent être prises en charges désormais par l’Etat guinéen.  
Il fallait rendre hommage également au personnel du MSF et les ONG impliquées dans la lutte contre Ebola en soulignant leur solidarité et humanisme.  Un tel acte symbolique,  mis en scène par le gouvernement aurait attiré l’attention de tout le monde sur Ebola pour en faire un ennemi commun qu’il faut combattre rapidement ensemble. Dans un contexte de clivages ethniques et de bipolarisation de la vie politique en Guinée, le président et les autorités politiques devaient tenir un discours mobilisateur. Quant aux membres de  l’opposition guinéenne, en tant que leader d’opinion,  ils devaient  s’inscrire dans la même dynamique de rassemblement en se montrant plus responsables et solidaires aux actions de lutte menées par le gouvernement et les institutions contre Ebola. Les leaders politiques devaient renoncer à leur traditionnel rôle de critique du gouvernement pour sensibiliser leurs militants et l’ensemble des Guinéens, en se montrant plus préoccupés de la santé de leurs compatriotes, comme les artistes avaient tenté de le faire sans un grand succès.  Or, il n’est pas trop tard pour prendre toutes ces mesures.
Enfin, il y a lieu de noter qu’il y a une responsabilité  internationale  et surtout africaine face à Ebola, mais notre propos dans cet article est celui d’un citoyen guinéen et voisin du monde qui veut balayer d’abord devant sa porte.
   


La communication via nouvelles technologies: une chance pour la jeunesse africaine!



La communication via nouvelles technologies : une chance pour la jeunesse africaine!
Mots d’ordre : S’informer – se former -  s’émanciper !

Nous vivons une époque de la mondialisation qui est particulièrement passionnante et difficile, rythmée par des innovations technologiques ayant  pour corollaire l’amélioration des conditions de vie , l’accroissement des richesses des uns et la paupérisation croissante d’une majorité. Depuis la révolution industrielle, le monde a connu plusieurs phases de l’évolution technologique notamment la mécanisation de la production, l’automatisme, la robotisation et l’essor de l’informatique, que nous sommes entrain de vivre maintenant. Ces différentes phases de l’évolution technologique ont certes favorisé les progrès économiques mais elles ont largement contribué à creuser des écarts entre les couches sociales et les Pays de notre planète. Quant aux nations africaines, elles ont d’abord fait partie du  « Tiers Monde »,  avant d’être qualifiée   de Pays sous développés, puis de Pays en voie de développement. Ce glissement sémantique a été opéré afin d’éviter, nous semble t-il, d’être méprisant avec les nations du Sud , histoire de parler humainement et politiquement correct tout en les incitant  davantage au développement. Après avoir été longtemps dans ce train du développement, sans arriver à la destination escomptée, on nous propose désormais le très gros bateau de la mondialisation. D’où le slogan « On est tous dans le même bateau ».  Selon la vision ultra libérale de la pensée unique, après l’échec des premières politiques macro-économiques des années 60- 70 et la chute du mur de Berlin, en Afrique  la seule issue possible serait l’adhésion au  libéralisme économique et à la mondialisation. Dans cette perspective ceux qui ne parviendront pas à adapter leurs politiques nationales aux exigences et aux intérêts des puissants capitaux des pays occidentaux seront des naufragés de la mondialisation. D’où l’émergence des mouvements altermondialistes en Europe, qui ont dénoncé cette vision libérale défavorable aux pays du Sud, tout en proposant de nouvelles alternatives qui demeurent encore insuffisantes, pour ne pas dire impuissantes, face à la mondialisation.  

De nos jours, dans un contexte d’afro pessimisme, le concept de développement se confond presqu’avec les opérations humanitaires en Afrique pour protéger ces faibles populations  contre les catastrophes naturelles et les fléaux,  notamment la famine et les maladies telles  qu’Ebola dont nous sommes victimes maintenant.
Malgré cette évolution de la terminologie et la rhétorique concernant le développement, selon les circonstances et les intérêts du moment, les pays africains n’ont pas évolué pour autant en s’engageant réellement dans un véritable processus de développement économique, social et humain.
Chers jeunes africains, face à une telle puissance capitaliste et à un processus historique irréversible, nous ne pouvons plus nous contenter de nous opposer par des discours idéologiques de dénonciations et de victimisation comme le faisaient les premiers présidents africains issus des indépendances . Soyons donc réalistes et pragmatiques comme les chinois ou les Indiens, en nous appropriant du système capitaliste et de la nouvelle   technologie qui est le principal outil de la mondialisation pour faire  sauter les frontières économiques  nationales.     
Notre époque est caractérisée par des inégalités sociales qui sont à l’origine de plusieurs conflits dans le monde et en Afrique surtout où ils empruntent, le plus souvent, une coloration ethnique et communautaire. La résolution des conflits se heurte souvent à des murs d’incompréhension érigés    par le manque de communication. Comme la sociologie de la déviance et du crime nous le montre, c’est lorsque  les individus  défavorisés, victimes des inégalités sociales, peu scolarisés et privés de paroles  n’arrivent pas à exprimer  leurs colères et frustrations qu’ils passent à l’acte. Ils ont donc recours  à la main au lieu ou à défaut de la parole, ce   qui se traduit naturellement par la violence physique.  Comme nous l’enseigne une théorie élaborée par  l’économiste Hirshman, qui s’applique aussi à la sociologie politique,   lors d’un conflit social ou politique, les individus peuvent choisir  d’interrompre le dialogue (« exit »), ce qui peut déboucher sur la sortie du système politique, la dépolitisation ou au contraire la radicalisation et le recours à la violence.  Cependant, ils peuvent aussi exprimer  leurs revendications et leurs  exigences en renforçant ainsi le contrat social (« voice »), dans l’espoir de parvenir à une situation plus satisfaisante pour toutes les parties.  C’est pourquoi la communication est fondamentale pour exprimer nos volontés, nos différences, nos préférences et nos divergence de points de vue,  sans entrer en conflit, dans un contexte de diversité ethnique et de différenciation sociale enrichissante. Or, dans l’ère  de l’informatique, qui est la phase la plus populaire et démocratique de l’évolution technologique en termes d’accessibilité et de diffusion,  nous disposons d’ une alternative pour aplanir les points de divergence  et pour réduire,  du même coup, les fossés d’inégalité sociale qui se sont creusés entre les couches sociales et les peuples.
 Certes il y a la fracture numérique dont sont victimes les populations des pays les moins développés, mais il y a lieu de reconnaitre cependant qu’avec une très grande diffusion de la téléphonie mobile et internet, dans ce contexte de la mondialisation, des individus dotés inégalement sur le plan économique et social peuvent accéder aux mêmes informations. D’ailleurs l’informatique avec internet constitue le plus grand démenti de la conception évolutionniste du développement selon laquelle tous les peuples du monde passeraient nécessairement par les mêmes étapes. Les nouvelles technologies constituent  un extraordinaire raccourci vers le progrès économique et social des pays africains. Si elles sont bien utilisées par les africains, elles peuvent leur permettre aux  de rattraper plusieurs décennies de retard.
Saisissons donc cette opportunité pour faire un bon usage de la nouvelle technologie en évitant de perdre trop de temps sur le net en se livrant à des jeux  et des divertissements  ou en faisant de la cybercriminalité. Ne soyons pas toujours des consommateurs passifs en nous contentant de jouer seulement avec l’ordinateur et l’internet comme le font actuellement la majeure partie des jeunes guinéens internautes,  pendant que les autres sont entrain d’en tirer profit en se formant et  en s’enrichissant Il faudrait s’approprier davantage et intelligemment de la nouvelle technologie dans le sens de nos intérêts pour s’informer, se former, accéder aux emplois tout en innovant à l’image de Bill Gates.
C’est dans un esprit d’échanges et de confrontation d’idées que nous avons créés ce Blog Eclairages Guinéens afin de favoriser la liberté d’expression et l’émancipation des jeunes dans un contexte d’injustice sociale et d’inégalité intergénérationnelle. En créant un tel espace de communication, nous pouvons contribuer pleinement à lutter contre la désinformation, l’obscurantisme, les manipulations des populations très jeunes et peu scolarisées. Nous allons tenter de faire des analyses et des réflexions concernant les problèmes et l’organisation de notre société avec les lunettes d’un sociologue-anthropologue et observateur de la vie politique en Guinée.  Dans cette perspective, tous les apports visant à enrichir nos éclairages sont les bienvenus. Vous pouvez faire également des commentaires, des suggestions et des critiques objectives et constructives concernant nos articles. Les Eclairages Guinéens s’adressent à tous les Guinéens et amis de la Guinée, mais en tant qu’enseignant nous songeons particulièrement à nos étudiants, que nous voulons mettre à l’abri de l’obscurantisme, la manipulation, l’ethnocentrisme et la communautarisation de la vie politique qui gangrènent notre société. 

Dr Abdoulaye Wotem Somparé
Sociologue et anthropologue guinéen