Cet article veut souligner les
effets pervers de deux décisions importantes prises par l’Etat, notamment la réduction
drastique du nombre de bacheliers, liée à la suppression des notes de cours, et la volonté d’orienter tous les bacheliers
vers les Universités publiques.
Le résultats du bac de cette année
avec un taux de réussite trop bas ( 27,5%) est étonnement perçu et interprété
par les gouvernants et beaucoup de citoyens guinéens comme une performance,
voire un exploit du ministère de l’enseignement préuniversitaire. Or, de tels
mauvais résultats constituent plutôt un échec d’un système éducatif à bout de
souffle et qui demande d’être reformé profondément. Cela signifie que plus de la moitié des
étudiants guinéens n’ont pas le niveau leur permettant de franchir le seuil de
l’Université. Certes, le fait d’éviter de repêcher les candidats en se référant
a leurs notes de cours, qui sont souvent falsifiées par leurs établissements, n’est
pas mauvais en soi, dans la mesure où il permet de soumettre les écoliers à une
évaluation plus rigoureuse pour un meilleur contrôle des connaissances. La prolifération
des écoles privées, dans une situation de concurrence, sans un bon contrôle du
Ministère en charge, fait en sorte que chaque école cherche à avoir le meilleur
taux de succès au bac, pour favoriser les inscriptions.
Cela dit, nous avons plutôt assisté à une évaluation plus sélective,
dont le but est de diminuer le nombre de
bacheliers et de réduire, du même coup, les couts de la formation en les
orientant uniquement dans les universités publiques. Or, un système éducatif performant doit plutôt
opter pour une évaluation formative. L’école doit être un lieu d’acquisition
des connaissances scientifiques et de formation globale de l’individu, pour
faire de lui une personne épanouie et un bon citoyen de son Pays. C’est pourquoi, avant de décider de supprimer
les notes de cours, il fallait préparer davantage les candidats en prenant des
mesures d’accompagnement, notamment du soutien scolaire. Si l’objectif de l’examen
est d’amener les élèves à apprendre leurs cours, en sanctionnant leur
formation, il est d’ailleurs possible d’organiser une deuxième session de
rattrapage qui doit être réalisée dans les mêmes conditions d’exigence et de
rigueur que la précédente. De plus, le fait de n’avoir que trois options
diminue la chance de réussite scolaire de beaucoup de candidats, tout en
contraignant d’autres à rater leur
vocation en faisant des choix par défaut. C’est pourquoi il est maintenant
urgent de créer des bacs professionnels en Guinée. C’est ce qui va contribuer également
à valoriser la formation professionnelle, en incitant ainsi beaucoup de jeunes
à s’orienter vers les métiers qui les
mettraient à l’abri du chômage.
Les nouvelles dispositions prises par le MEPU par rapport au
Baccalauréat s’inspirent d’une rigueur qui est souhaitable dans le contexte d’un
système éducatif miné par la corruption et par des logiques où l’école apparait
plus comme un lieu de distribution de diplômes que comme une institution
chargée de la transmission du savoir. Or,
la rigueur seule n’est pas suffisante si elle n’est pas accompagnée par une
véritable réforme visant à rehausser la qualité de la formation. De tels examens aux résultats catastrophiques ne
contribuent pas à augmenter le nombre de cadres et de techniciens dont le pays
a besoin, contrairement à la vision néolibérale de la réforme des systèmes éducatifs
prônée par les technocrates de la Banque Mondiale. Ils contribuent également à la
mise en place d’un système éducatif élitiste, source d’inégalité sociale. D’ailleurs
plusieurs études sociologiques en Afrique ont montré que seule la sélection ne
rend pas un système éducatif performant : elle peut même déboucher sur une
sélectivité pathologique qui créé ainsi des goulots d’étranglements. Dans de
telles conditions, seuls les élèves issus de familles de cadres aisées ont plus
de chance de réussir à l’école, car leurs familles peuvent adopter certaines
mesures (écoles privées, répétiteurs, achat de livres et ordinateurs etc.) qui
favorisent leur réussite. Pour lutter
contre l’inégalité scolaire, l’Etat doit tendre la main aux élèves issues
des familles et des communautés pauvres,
surtout en milieu rural, en les rapprochant de l’institution scolaires et en créant des mesures d’accompagnement pour
les élèves en difficulté scolaire.
En ce qui concerne l’orientation des élèves dans l’enseignement supérieur, elle doit ne
doit pas avoir pour unique objectif de réduire les couts de la formation en opposant, de manière
stérile et manichéenne, économiciste et simpliste, les Universités publiques et
privées.
Les deux systèmes doivent être complémentaires : chaque
partie doit utiliser les atouts de l’autre. Les Universités privées ne
sauraient faire l’économie de
l’expérience et des acquis des Universités publiques : c’est d’ailleurs ce
qu’elles ont fait intelligemment, en recrutant les enseignants fonctionnaires
les plus qualifiés. De plus, certaines Universités ont créé des partenariats avec les
Universités publiques de la Guinée et de la sous-région, comme Cheikh Anta Diop
de Dakar. Si l’UNC ou Kofi Annan font
venir des enseignants plus qualifiés des Pays voisins, cela doit être considéré
comme un acquis à préserver.
Les Universités privées ont des atouts sur lequel
l’Etat peut s’appuyer, par exemple des systèmes d’évaluation plus rigoureux .
A l’Université Kofi Annan il y a une bibliothèque moderne, meilleure par
rapport à celle du public ; dans un contexte de partenariat, les étudiants
de Gamal et de Sonfonya pourraient aussi consulter ses livres. Ils pourraient
également bénéficier de l’expertise de certains enseignants étrangers, dont les Universités privées payent les honoraires,
en les faisant venir pour des missions. Cette complémentarité ne peut se
réaliser que dans un contexte où les Universités privées respectent certains
critères académiques. Dans ce cas, à notre avis, le rôle de l’Etat est de
garantir le respect de ces normes et de ces critères et d’amener les
Institutions d’enseignement privées à rehausser leur niveau. Il faut
reconnaitre qu’il y a de petites Universités qui sont loin de respecter les
critères académiques : celles-ci ont tout intérêt à se regrouper pour
mutualiser les moyens et conjuguer les efforts. Nous allons ainsi parvenir à une situation
bien connues dans les Pays Occidentaux, où dans chaque grande ville il y a une
Université publique avec deux ou trois grandes Universités privées, qui se
présentent comme une alternative de qualité.
Sur le plan
économique et social, n’oublions pas non plus que les Universités privées
offrent des emplois à des centaines d’enseignants qui peuvent ainsi faire vivre
leurs familles et jouir d’un minimum de pouvoir d’achat, nécessaire pour le bon
fonctionnement de l’économie nationale. Les Universités privées favorisent
ainsi l’insertion professionnelle des jeunes brillants tout les engageant dans
un processus de formation continue, à l’instar de plusieurs jeunes enseignants
qui sont en train de préparer, à présent, des Masters et des doctorats.
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