Comme nous l’avons déjà souligné,
notre objectif dans cette rubrique n’est pas de critiquer seulement pour
critiquer, en caricaturant ainsi les
réalités de la Guinée, où se passent de très bonnes choses. Or, notre Pays est
aussi miné par plusieurs contradictions et des paradoxes négatifs.
Le paradoxe des Ecoles
Rappelons-nous d’abord qu’un système
est avant tout un ensemble compose d’éléments interdépendants entre lesquels il
y a une cohérence et une harmonie. Or, le système éducatif guinéen, à multiples
vitesses, mal cordonné par le Ministère en charge, apparait très hétérogène. Son
mode de fonctionnement est très cacophonique, dans la mesure où il est composé d’écoles
et d’universités de qualités différentes. Dans la plupart des Pays du monde, même
de tradition plus libérale, les écoles publiques sont toujours plus nombreuses.
Or, en Guinée, un Pays qui a été socialiste jusqu’en 1984, les écoles privées
sont presque deux fois plus nombreuses que les établissements publics, surtout
dans les grandes agglomérations, telles que Conakry. Cela engendre des
inégalités scolaires criantes, tout en contribuant à la dégradation de la
qualité de l’enseignement, dans la mesure où la majeure partie des fondateurs n’ont
ni l’expertise ni la déontologie nécessaire pour fournir une meilleure offre
scolaire. Le plus souvent, c’est le profit qui l’emporte sur les préoccupations
éducatives : nous avons d’ailleurs observé une affiche très emblématique,
promettant aux étudiants des formations allant de la maternelle jusqu’au
doctorat.
Le paradoxe des Universités
Il y a incontestablement, en Guinée, plus d’Universités
privées que d’établissements d’enseignement supérieur public, avec des niveaux
et des modes de fonctionnement complètement différents. Or, nous savons que la
plupart des Pays africains au Sud du Sahara ont des problèmes pour entretenir
une Université publique de bonne qualité, qui suppose le recrutement d’enseignants
de rang magistral et l’allocation de moyens pour la recherche. Or, le contraste
le plus frappant en Guinée est qu’il y a aujourd’hui plus d’Universités dans
notre capitale que dans toute la région parisienne, où l’Université existe
depuis des siècles. Certes, ces Universités ont été créées dans une certaines
mesures pour combler les lacunes et le manque de moyens de l’Etat, dans un
contexte d’ajustement structurel, où les Etats sont obligés de réduire leurs
dépenses sociales. Certes, il y a quelques Universités qui déploient des efforts
pour fournir une offre éducative de bonne qualité, mais elles sont malheureusement
peu nombreuses. Ici encore, la logique commerciale l’emporte, dans un contexte
de libéralisme sauvage et de corruption, où les enseignants, pour arriver à la
fin du mois, sont obligés de devenir des pèlerins du savoir, qui errent entre
les Universités pour vendre leur expertise. D’où le phénomène de « ouvrierisation »
et de dévalorisation du métier d’enseignant en Guinée.
Cette triste réalité, inquiétante
pour l’avenir de la jeunesse, est entretenue également par les étudiants et leurs
familles, qui ont de plus en plus tendance à choisir les établissements d’enseignement
supérieur plus proches de leurs lieux d’habitation, en considérant ainsi l’université
comme un simple prolongement du lycée. Ce mode de fonctionnement ne favorise pas
l’intégration des jeunes dans la République ; au contraire, dans des
quartiers qui se constituent sur base ethnique, les écoles et même les
Universités obéissent à des logiques communautaires. Je trouve qu’il est
inquiétant de retrouver sur les bancs d’une Université, qui se veut lieu de confrontation,
creuset d’idées et d’apports divers, des étudiants ayant tous la même origine
ethnique et les mêmes conceptions religieuses, à quelques exceptions près.
D’ailleurs, il y a beaucoup de
fondateurs qui ne sont pas universitaires, qui considèrent et gèrent leurs universités
comme un gros lycée, qui constitue pour eux un patrimoine personnel. C’est
pourquoi il y a des fondateurs qui se
sont permis de donner leurs propres noms à leurs universités, ou de donner d’autres
noms fantaisistes. Ce qui est déplorable, ce fonctionnement anormal apparait
normal aux yeux des plus jeunes. Il est donc temps de prôner, de la part de l’Etat,
un contrôle plus stricte et sérieux des institutions universitaires. Cela ne
signifie pas seulement procéder à des évaluations et à des classements, comme
on le fait maintenant, de manière souvent superficielle et subjective, mais
de veiller au respect d’un minimum de critères académiques internationaux, en
encourageant la formation de qualité et la recherche.
Dr A.Wotem Sompare
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