Je m’excuse de cette longue interruption de nos publications
en raison de notre engagement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie d’Ebola
en Guinée en tant que consultant de l’Organisation Mondiale de la Sante. Tout
notre temps a été complètement absorbé par ces activités de recherche et de médiation,
car il fallait rendre, en moyenne, un rapport tous les deux jours. Après cette
crise sanitaire, Guineeclairages tente de se relancer, à l’image du pays qui doit
se relever en reconstruisant son système de santé et son économie, dont
l’épidémie a révélé toutes les lacunes.
Nous vous annonçons à cette occasion l’ouverture d’une
nouvelle rubrique dénommée le paradoxe guinéen.
Le paradoxe guinéen le plus connu et souvent cité, à juste titre, est le contraste entre les
gigantesques ressources naturelles du pays et l‘extrême pauvreté de ses populations
ayant des conditions de vie difficiles. Comme on le dit souvent, la Guinée est
dotée de beaucoup de ressources hydrauliques, au point d’être considérée comme
le château de l’Afrique de l’Ouest par les géographes, mais
la majeure partie de ses populations vivent sans eau potable ni électricité.
D’ailleurs, dans le cadre de la lutte contre l’épidémie d’Ebola, la majeure partie
des villages et des quartiers ont profité de la présence des représentants des
institutions pour exprimer des
revendications légitimes relatives à leurs problèmes quotidiens. Tel est le cas
des villages situés auprès du fleuve
Konkoure, dans la sous-préfecture de Tanene, situés entre Dubreka et Boffa,
dont les populations souffrent énormément des problèmes d’eau.
Cependant, cet
exemple désormais célèbre est le gros arbre qui cache une forêt de paradoxes en
Guinée. C’est la partie émergée de l’Iceberg, que l’on voit si nous ne regardons pas les
choses plus en profondeur. En Guinée, nous vivons quotidiennement dans des
situations paradoxales qui constituent également des obstacles à notre progrès économique,
social et politique. Cette nouvelle rubrique tente d’attirer notre regard ou,
du moins, de rappeler que nous nous sommes habitués à ces conduites et à ces
réalités anormales, au point de les tolérer comme des pratiques normales ou en
se résignant simplement. Ceux qui ont un minimum de niveau d’instruction et qui
s’informent, ou qui ont observé le
fonctionnement des autres pays au cours de voyages à l’étranger, savent très
bien que nous faisons souvent en Guinée le contraire de ce que nous devons
faire. Ces derniers, qui doivent indiquer aux jeunes la voie à suivre, se
contentent dans la plupart des cas de jouer les intellectuels dans les cafés ou philosophes au comptoir des bars. La majeure partie des guinéens, notamment
les plus jeunes et analphabètes qui ne
comprennent pas ces réalités, pensent que la Guinée est frappée par une malédiction
divine. D’où les séances de prières pour notre pays régulièrement organisées par nos chefs religieux, qui caressent en général
dans le sens des poils de ceux qui sont au pouvoir. C’est ainsi qu’une
bonne partie de nos concitoyens ont sombré dans le fatalisme. Or, Dieu nous aide
dans ce que nous faisons. Mais si nous faisons le contraire de ce que nous
voulons, en empruntant ainsi la voie
inverse, nous n’arriverons jamais à la destination souhaitée
Nous ne voulons pas faire un portrait caricaturale de notre[AW1]
société en soulignant seulement ce qui ne va pas. Il y a certes de très bonnes
choses qui se passent dans notre Pays, mais les paradoxes négatifs qui se nourrissent de permissivité, de
laisser-aller , sont de plus en plus nombreux et persistants au point de donner
le jour à une société anomique, caractérisée
par absence de règles et de repères.
Notre rubrique « Le paradoxe guinéen » est une invitation à
nous regarder droit dans le miroir, à
nous observer avec un recul et un esprit critique qu’il est difficile de garder
lorsque nous observons notre propre société. Il s’agit non seulement d’avoir un
regard critique, mais aussi autocritique, car nous contribuons aussi à
entretenir des situations paradoxales, à l’image de nos voitures, qui
alimentent les embouteillages-monstres de Conakry dont nous nous plaignons
pourtant si souvent. A notre humble avis il est urgent
de regarder maintenant les choses en
face, afin de se projeter vers le futur en empruntant la bonne voie. Pour cela,
le regard du sociologue s’avère particulièrement utile, du fait que, comme le
dit Pierre Bourdieu, la sociologie dérange car elle dévoile des choses cachées
et parfois refoulées. Ceci dit, je suis sûr de ne pas être le seul à avoir
saisi le caractère paradoxal de nombreuses réalités que nous vivons en Guinée,
et peut-être aussi dans d’autres Pays africains. J’invite ainsi tous les lecteurs à témoigner
des paradoxes qu’ils rencontrent dans leur vie de tous les jours et à utiliser ce blog aussi pour exprimer leurs
réflexions.
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